Episode 3/ 17 avril 1975 : le jour où tout a basculé.
Salut toi qui es en train de me lire,
Aujourd’hui, j’aimerais te parler du jour où, Papa et toute sa grande famille ont dû quitter leur habitat pour une destination inconnue. Papa se souvient que les Khmers rouges étaient des jeunots. Leur tranche d’âge se situait entre 10 et 18 ans à peine. Ils étaient vêtus de noir, avec autour du cou une écharpe en damier rouge et blanc. Le 17 avril 1975, les communistes cambodgiens partisans de Pol Pot et opposés au gouvernement pro-américain de Lon Nol* débarquèrent à Phnom Penh.
Leur but insensé ( si je peux me permettre!) : déporter toute la population citadine vers les campagnes afin de les exploiter, de les “rééduquer” dans des conditions relevant de l’esclavage. Et faire table rase en exterminant tous ceux qui s’opposeraient au nouveau régime dictatorial.
Armés jusqu’aux dents, les Khmers rouges répandirent la rumeur que les américains allaient bombarder la ville, et par conséquent, qu’il fallait partir hâtivement. Leur faisant confiance, Papa, sa famille ainsi que les autres Cambodgiens s’exécutèrent affolés.
Phnom Penh devait être vidé de ses habitants : hommes, femmes, enfants, personnes âgées. Les Khmers rouges ordonnèrent également aux patients de tous les hôpitaux d’évacuer. Les malades qui n’étaient pas en état de partir, étaient immédiatement achevés à l’arme blanche. Les militaires, quant à eux, étaient dévêtus de leur uniforme et désarmés. Ils seront ensuite conduits au stade le plus proche. La plupart seront éliminés sur le champ.
Papa se rappelle que lui et sa famille se précipitèrent pour prendre l’essentiel : riz, casseroles, vêtements, bijoux. Lui et deux de ses frères ainsi que d’autres Cambodgiens, avaient dévalisé une pharmacie. Ils s’emparèrent d’un tas de médicaments sans même connaître leur utilité.
En à peine quelques heures, des milliers d’habitants marchèrent dans la même direction sur la route principale de la capitale, laissant ainsi derrière eux une ville fantôme. Papa se rappelle avoir marché droit devant lui parmi la foule impressionnante, sans savoir où il allait. Ce jour-là, Grand-mère, ses neuf enfants ( Tonton 3 jusqu’à Tonton 7 et Papa), ainsi que la femme de Tonton 2 et leurs quatre enfants (l’aîné 6 ans, suivi de trois filles, dont la dernière qui avait seulement 2 semaines), quittèrent leur maison sans se douter que cela serait pour toujours.
Tu l’as peut-être remarqué, mais je n’ai pas cité Tonton 2. Lors de l’invasion des Khmers rouges, Tonton 2 travaillait dans les grands cargos comme cuisinier. Il était donc à l’étranger, en Arabie Saoudite d’après les souvenirs de Papa.
Quant à Tonton 6, il quitta bien Phnom Penh avec toute notre famille, sa femme et leur fils de 2 ans. Seulement, ils seront séparés de leur fille aînée (de 3 ans environ) qui était ce jour-là, chez sa grand-mère maternelle.
Petite Tata, se souvient que son grand-frère ( Tonton 5) marchait devant elle. A un moment donné, il se retourna et demanda à un de ses petits frères ( Papa ou Tonton 7) de détourner le regard de Grand-mère. Curieuse, elle dirigea son regard sur le côté, et aperçut des civiles exécutés par les bonhommes habillés en noir. Apeurée, elle continua de marcher…
*Lon Nol (1913–1985) est un militaire et chef d’État cambodgien qui fut Premier ministre du Royaume du Cambodge, puis président de la République khmère à partir de 1972.
Je te raconterai la suite au prochain épisode…
Lundi 19 juillet 2021.
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